jeudi 27 septembre 2012

Le Péage Sauvage


         Créé à l’occasion de la troisième édition d’Estuaire, le Péage Sauvage a été inauguré le 24 mai dernier dans le quartier Malakoff. Comme à son habitude, la biennale a fait appel à un collectif d’artistes peu connu en France : Observatorium (Hollande) afin de concevoir cette oeuvre de grande dimension.
            C’est dans le cadre du Grand Projet de Vie Malakoff que la Ville de Nantes a financé son installation. Le GPV a pour objectif de désenclaver ce quartier construit lors du baby-boom des années 1970, coincé entre les voies ferré et transformé progressivement en ghetto social. La méthode ? Valoriser les espaces naturels, impliquer les habitants dans les transformations, tout en favorisant les échanges entre les différents publics.
            C’est donc tout naturellement que le groupe Observatorium a été choisi pour développer une création artistique. Lui qui à travers ses œuvres a pour but de recréer des liens entre art, paysages et société.
            Cette œuvre a trois fonctions, elle se veut être un point de rassemblement. S'intégrant à la vie du quartier elle devient un point de rendez-vous pour les bandes de jeunes, les différents trafics ou encore un espace de jeux pour ces familles modestes avec enfants, logeant dans des appartements et disposant de peu d'espace. Permettant ainsi un plus grand nombre d'échanges humains et un meilleur confort de vie, l'œuvre est par cet aspect un réel espace public. Dans cette même lignée sociale, la construction a fait appel a un savoir faire local, en effet l’utilisation de planches épaisses cintrées et brutes de bois, et l’assemblage en calepinage sont le travail de charpentiers.
            Elle est aussi un témoignage de l'histoire peu commune de ce terrain, désigné comme la Petite Amazonie.  Bombardée lors de la Seconde Guerre Mondiale, la vaste parcelle fait l'objet d'un projet d'autoroute. Cependant, profitant de l'abandon de ce projet, la nature a repris ses droits et a donné lieu à un parc naturel d'une rare diversité (parc classé Natura 2000). Le Péage Sauvage est donc un de témoignage tangible de ce projet et une preuve des bienfaits de son abandon, afin que tous prennent conscience de ce qui n'aurait pas pu exister sans ce retournement de situation. Quelques indices tels que la découpe nette de la structure nous permettent de comprendre qu'il s'agit en fait d'un tronçon d'autoroute, qui débute aux voies d'accès et se termine juste après le « portique » du péage. Paradoxalement, c'est en créant une structure concrète que l'imaginaire est invoqué : sans voir ce Péage, le passant ne se douterait pas de l'histoire du lieu (à moins de la connaître).
           Enfin, l'œuvre crée une transition entre urbanisation et état sauvage. D'un coté se trouve les blocs de béton, de l'autre une étendue naturelle. Au dessus du portique, se trouve une coursive  qui offre une vue sur le parc, au delà des arbres. C'est un observatoire précieux pour la Ligue de Protection des Oiseaux qui a aussi été impliqué dans le projet. D’autre part le bois utilisé provient de la région afin de réduire l’impact de la construction sur l’environnement.
            Le Péage Sauvage, entre architecture et espace public a réussi à remplacer le trafic routier initialement prévu par un flux humain, et sans doute à faire naître une prise de conscience.
           
Ségolène H.
 
image provenant de lenouveaumalakoff.com