Créé à l’occasion de la troisième édition d’Estuaire,
le Péage Sauvage a été inauguré le 24 mai dernier dans le quartier Malakoff.
Comme à son habitude, la biennale a fait appel à un collectif d’artistes peu
connu en France : Observatorium (Hollande) afin de concevoir cette oeuvre de
grande dimension.
C’est
dans le cadre du Grand Projet de Vie Malakoff que la Ville de Nantes a financé
son installation. Le GPV a pour objectif de désenclaver ce quartier construit
lors du baby-boom des années 1970, coincé entre les voies ferré et transformé
progressivement en ghetto social. La méthode ? Valoriser les espaces naturels,
impliquer les habitants dans les transformations, tout en favorisant les
échanges entre les différents publics.
C’est
donc tout naturellement que le groupe Observatorium a été choisi pour développer
une création artistique. Lui qui à travers ses œuvres a pour but de recréer des
liens entre art, paysages et société.
Cette
œuvre a trois fonctions, elle se veut être un point de rassemblement.
S'intégrant à la vie du quartier elle devient un point de rendez-vous pour les
bandes de jeunes, les différents trafics ou encore un espace de jeux pour ces familles
modestes avec enfants, logeant dans des appartements et disposant de peu
d'espace. Permettant ainsi un plus grand nombre d'échanges humains et un
meilleur confort de vie, l'œuvre est par cet aspect un réel espace public. Dans
cette même lignée sociale, la construction a fait appel a un savoir faire
local, en effet l’utilisation de planches épaisses cintrées et brutes de bois, et
l’assemblage en calepinage sont le travail de charpentiers.
Elle
est aussi un témoignage de l'histoire peu commune de ce terrain, désigné comme
la Petite Amazonie. Bombardée lors de la
Seconde Guerre Mondiale, la vaste parcelle fait l'objet d'un projet
d'autoroute. Cependant, profitant de l'abandon de ce projet, la nature a repris
ses droits et a donné lieu à un parc naturel d'une rare diversité (parc classé
Natura 2000). Le Péage Sauvage est donc un de témoignage tangible de ce projet
et une preuve des bienfaits de son abandon, afin que tous prennent conscience
de ce qui n'aurait pas pu exister sans ce retournement de situation. Quelques
indices tels que la découpe nette de la structure nous permettent de comprendre
qu'il s'agit en fait d'un tronçon d'autoroute, qui débute aux voies d'accès et
se termine juste après le « portique » du péage. Paradoxalement,
c'est en créant une structure concrète que l'imaginaire est invoqué : sans voir
ce Péage, le passant ne se douterait pas de l'histoire du lieu (à moins de la
connaître).
Enfin,
l'œuvre crée une transition entre urbanisation et état sauvage. D'un coté se
trouve les blocs de béton, de l'autre une étendue naturelle. Au dessus du
portique, se trouve une coursive qui
offre une vue sur le parc, au delà des arbres. C'est un observatoire précieux
pour la Ligue de Protection des Oiseaux qui a aussi été impliqué dans le
projet. D’autre part le bois utilisé provient de la région afin de réduire l’impact
de la construction sur l’environnement.
Le
Péage Sauvage, entre architecture et espace public a réussi à remplacer le
trafic routier initialement prévu par un flux humain, et sans doute à faire
naître une prise de conscience.
Ségolène H.
image provenant de lenouveaumalakoff.com